Quand on lit un roman, on peut se demander quelle est la part de vérité d’une situation ou d’un personnage : combien le romancier a-t-il mis de sa propre expérience du monde dans ses créatures ? Dans un essai intitulé Le Romancier et ses personnages, François Mauriac soutient que « les héros de romans naissent du mariage que le romancier contracte avec la réalité. Ces formes, que l’observation nous fournit, ces figures que notre mémoire a conservées, nous les emplissons, nous les nourrissons de nous-mêmes, ou, du moins, d’une part de nous-mêmes. »
Ainsi, en créant un personnage, le romancier ne se contente pas d’imiter et de travestir des situations déjà vécues et connues. Pour créer un personnage de fiction, il ne faut pas prendre pour modèle le cours unique de sa vie réelle. Au contraire, on doit s’efforcer de prolonger son expérience par l’imagination : c’est avec les directions infinies de ses vies possibles qu’on crée un personnage. L’art du roman peut être défini comme une autobiographie du possible.